>>>>>> (J’ai promis à un de mes amis que je
téléchargerais ceci. Je ne suis pas sure de savoir quoi en
penser. Je préférerais ne pas y penser du tout. La dernière
fois que j’ai vu Lensman pour parler, il m’a donnée une puce optique
et m’a fait jurer de télécharger ce qu’il y avait dessus
si jamais quelque chose lui arrivait. Il parlait avec cette lueur dans
les yeux et ce ton dans la voix qu’on les gens quand ils savent que quelque
chose de très mauvais va leur tomber dessus, mais ne savent pas
comment ou quand. Le genre " si je meurs demain ", vous voyez ? Moi, je
pensais que Lenny avait abusé des MQV ce jour-là. Il continue
à se brancher un peu, même s’il avait juré sur sa tête
qu’il arrêtait. Continuait. Au passé (Je continue à
oublier). A l’air qu’il avait (la peau de la couleur du lait caillé,
les mains qui tremblaient comme s’il avait la putain de maladie de Parkinson)
qu’est-ce que j’étais censée penser d’autre ? Alors je lui
ai promis, juste pour le calmer.
Je l’ai encore vu trois jours plus tard. Mort au
milieu du Stuffer Shack au quatrième étage de la Renraku
Arcology, où tous les costards de bas niveau vont s’envoyer un pseudo-déjeuner
rapide avant de retourner à leurs stations de travail. Il a emporté
beaucoup de ces costards avec lui. Et aussi quelques petits gosses sortis
avec Papa et Maman. Je n’avais jamais vu autant d’impacts de balles dans
un seul corps avant. Les survivants disaient tous qu’il n’arrêtait
pas de crier à propos de l’obscurité (en anglais, dark :NdT)
: l’obscurité était partout, il ne laisserait jamais l’obscurité
le prendre. Il a réussi à vider un FN-HAR avant que les gardes
de sécurité ne le descendent ; mon pote decker, qui n’avait
jamais tiré avec quelque chose de plus dangereux qu’un Pistolet
à eau Soakit.
Je ne sais toujours pas quoi faire de ce fichier.
Je veux croire que Lenny a simplement pété les plombs, mais
je ne suis pas sure de pouvoir.) <<<<<
--- Irish Rose (16 :25 :21/22-01-57)
2 Octobre 2056 Ai eu le rêve le plus bizarre de ma vie cette
nuit. Je roulais dans ce minivan avec un groupe de mes meilleurs potes,
traversant un genre de désert quelque part. Le conducteur était
quelqu’un que je connaissais, mais quand il se tourna pour commencer à
nous parler j’ai réalisé que je ne l’avais jamais vu de ma
vie. Mais je le connaissais quand même. Il fumait clope sur clope
en conduisant, sauf qu’aucune des cigarettes ne semblait jamais diminuer.
Et il n’arrêtait pas de rire. Pas un rire joyeux, d’ailleurs – le
genre sinistre, quand tu ris pour t’empêcher de crier.
Aimerais me rappeler le reste du rêve. Je
m’souviens même pas pourquoi on roulait à travers le désert
d’abord.
Dois rencontrer Irish et le gang au Penumbra ce soir.
C’est son anniversaire – autrement j’irais pas. J’me sens patraque comme
si j’allais avoir la grippe. Aimerais rester à la maison.
5 Octobre 2056 Putain, je déteste les Nuke-it burgers. Ils
me restent toujours sur l’estomac. Pourquoi est-ce que j’en mange ? Et
spécialement six à la fois ?
Merde – pourquoi tout le monde fait ce qu’il fait
?
Ai eu un autre rêve bizarre. J’étais
un cowboy, chevauchant un dinosaure. Un Tyrannausaurus Rex, sauf que c’en
était un petit. A peu près de la taille d’un Danois. Mon
oncle Joe avait un grand Danois quand j’étais gosse… J’adorais ce
chien. Rien n’a plus été pareil depuis que Buster est mort.
Tout est… De la merde.
Putain, j’ai l’air que j’avais après un trip
de puces. Sauf que j’ai pas touché à ça depuis un
an. Le dernier run a dû être flippant.
Je me demande comment ça se fait que je ne
m’en rappelle pas. Si y avait pas le solde de mon créditube, je
ne saurais même pas que j’ai bossé récemment. J’ai
pris un coup à la tête ou quoi ? Mince, j’espère que
c’est pas un effet secondaire bizarre d’une Glace que j’ai rencontrée.
On sait jamais avec ces trucs.
Le mec qui m’a vendu les Nuke-it m’était
familier, mais j’arrive pas vraiment à le remettre. C’était
pas le vendeur habituel – un mec quelconque que Charlie vient d’embaucher.
Je suppose que Charlie a raison, s’il a les moyens d’embaucher un nouveau.
Je sais rien de ce nouveau, par contre. Il avait un genre de sourire bizarre.
Des yeux marrants, aussi. On aurait dit qu’ils regardaient à travers
moi.
7 Octobre 2056 Je suis donc de sortie avec le gang et on essaie
de chercher où aller vider quelques bières. Le Penumbra se
fait vieux – on voulait trouver un nouvel endroit, peut-être avec
un groupe de musique potable. Alors j’ai dit, " Pourquoi pas le Saloon
de l’Oiseau Chanteur ? Ils ont de la musique live, et ils diluent pas les
boissons. " Alors mes potes se sont mis à vanner – tu sais, " Avec
qui t’y es allé, Lenny ? Tu nous as pas invités – quel pote
tu fais. Une super poupée, Len ? Alors quand c’est que tu nous la
présente ? " Ce genre de conneries. Je leur ai dit de fermer leurs
putain de tronches et j’ai commencé à leur indiquer le chemin.
Quand j’ai fini, j’ai remarqué mes potes se mettre à me regarder
comme si je me foutais de leur gueules, ou quelque chose de ce genre. Y
avait juste ce silence, tu sais ? Puis Irish m’a dit, " Lenny, il n’y a
rien à la Vingt-Cinquième et Lilac. C’est un bâtiment
inoccupé. On est passé devant des milliers de fois. " Et
vous savez ce qu’il y a de marrant ? A la minute où elle a dit ça,
je savais qu’elle avait raison. La Vingt-Cinquième et Lilac était
l’endroit où une corpo ou quelqu’un d’autre a jeté des saloperies
toxiques il y a quelques années, et depuis même les squatters
n’y mettent pas les pieds. Alors je m’suis dit, eh ben , peut-être
que je me suis trompé d’endroit. Donc mes potes et moi on a laissé
nos datajacks faire le chemin dans les bases de données publiques,
à la recherche de l’Oiseau Chanteur.
On a trouvé que dalle. L’Oiseau Chanteur
n’existe pas. Alors comment ça se fait que je souvienne y avoir
passé une après-midi à écouter du synthé
?
Je promet que je vais dormir plus longtemps.
11 Octobre 2056 J’ai encore vu ce type. Celui du Stuffer Shack.
Je suis allé au Red Duck au coin de la rue pour acheter un paquet
de clopes, et le type était en train de s’acheter un soy dog avec
toutes les garnitures. Je crois qu’il n’aime pas les burgers Nuke-it, lui
non plus.
Il m’a adressé ce drôle de sourire
en s’en allant. Il y a décidément quelque chose qui cloche
avec ce type.
17 Octobre 2056 Encore fait un rêve étrange. Cette
fois, j’étais en train d’escalader une gigantesque tour entièrement
faite d’échafaudages en barres d’acier … comme un genre de jeu de
mécano géant. Il y avait des ballons partout … de grands
ballons blancs, comme des ballons météo ou quelque chose
de ce genre. Et pendant tout ce temps je pouvais entendre quelqu’un rire,
mais je ne pouvais voir personne. Donc je suis en train de me frayer un
chemin jusqu’en haut de cette tour, cherchant qui pouvait bien rire. Dans
le rêve, je sais que je dois le trouver et l’empêcher de …
Eh merde, je m’en rappelle pas. Alors je marche au milieu de quelques ballons
qui s’agitaient vraiment près les uns des autres et ils me sautent
dessus et commencent à m’étouffer. Et le rire devient de
plus en plus fort à mesure que j’évanouissais.
Je me suis réveillé avec mon oreiller
sur ma tête, en train de me débattre comme un dingue. J’ai
même shooté le chat hors du lit. Le pauvre vieux Fétide
n’était pas trop content de moi à cause de ça. J’ai
pas pu me rendormir du restant de la nuit, j’étais trop défoncé.
Vous voulez savoir ce qu’il y a de plus étrange
? Juste avant que je m’évanouisse dans le rêve, j’ai vu le
visage du gars du Stuffer Shack. C’était lui qui riait.
20 Octobre 2056 Merde. J’dois être très stressé.
C’est soit ça, soit ? ? ? ? ?
J’ai encore vu le gars du Stuffer Shack. Dans la
Matrice. J’étais en train de fureter à la recherche d’un
petit truc – vous voyez , un peu de recherche d’infos – et j’ai vu l’icône
de quelqu’un d’autre passer à la périphérie de mon
champ de vision. J’aime toujours en savoir un peu plus sur ceux qui flottent
dans le Réseau publique avec moi, juste au cas où c’est un
pote avec des nouvelles, alors je me mets à jeter un coup d’œil aux
alentours.
Et je manque de bondir hors de mon propre corps,
car le gars du Stuffer Shack se tient juste à côté
de moi. Si près que si nous avions été dans nos véritables
corps, j’aurais senti sa respiration sur ma nuque. Il me sourit, et m’adresse
ce petit rire qui pour je ne sais quelle raison me fait froid dans le dos,
puis s’éclipse. Il y avait quelque chose d’étrange avec son
icône, aussi… mais je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus.
Je n’y arrive toujours pas, et ça m’a tourmenté la moitié
de la journée.
Qu’est-ce qui cloche avec ce putain de gars ?
22 Octobre 2056 Je me sens pas bien. Je me suis réveillé
ce matin et il y avait cette araignée qui rampait sur le plafond
de ma chambre. Puis elle s’est mise à descendre sur le mur vers
moi, alors j’ai pris ma chaussure pour l’écraser. Comme je levais
le bras, j’ai vu que l’araignée avait un visage humain. Le gars
du Stuffer Shack avec son regard et son sourire étrange.
Qu’est-ce qu’il a ce gars ? Pourquoi il me hante
?
24 Octobre 2056 Il me suit. Je le sais. Qui diable est-il ? Il travaille
pour la Big A (Aztechnology, NdT), peut-être ? Est-ce qu’ils me chassent
? Mais il n’y a aucun moyen pour qu’ils aient pu savoir que c’est moi qui
ai… non, attends, je sais. Il est de Renraku. Il doit en être. Ces
sales Japs sont finalement remonté jusqu’à l’équipe
qui a rasé leur cher labo de Recherche & Développement
l’année dernière. Attends, ça colle pas. Ils m’auraient
envoyé les gros bras, pas un genre de type travaillant sous couverture
dans un Stuffer Shack. J’arrive pas à trouver…
25 Octobre 2056 Je l’ai vu dans le métro ce matin deux sièges
derrière moi. Il est descendu au même arrêt. Je pensais
que je l’avais semé dans la foule, mais quand je suis sorti du café
avec ma tasse de soykaf il remontait la rue vers moi. Il m’a souri en passant…
m’a fait un signe de tête, comme si on était de vieux amis.
Je voulais lui demander pourquoi diable il n’arrêtait pas de me suivre,
mais les mots sont restés coincés dans ma gorge.
Putain, mais qu’est-ce que ce gars attend de moi
?
26 Octobre 2056 Je suis sorti de mon squat et j’ai commencé
à descendre la rue, quand tout d’un coup le trottoir s’est changé
en pont. J’étais très haut, et je savais que si je sautais
du pont je tomberais dans l’obscurité et que je ne m’arrêterais
pas de tomber. Le gars du Stuffer Shack était de l’autre côté
du pont. Il riait.
Au secours.
27 Octobre 2056 Je sais ce qu’il veut. Je sais qui il est. Il veut
mon âme. C’est ce qu’il a dit. A la trideo. Il a pris le contrôle
du JT juste assez longtemps pour me le dire. Je lui ai dit d’aller se faire
mettre. Il a commencé à rire. Il a commencé à
rire et ne se serait pas arrêté, ne se serait jamais arrêté,
alors j’ai dû mettre un coup de pied dans le poste tridéo.
Fétide a pas aimé le bruit – il s’est enfui.
Merde, écoute-moi. J’ai de gros problèmes…
Est-ce que je suis dans un trip de MQV, et je ne me rappelle pas quand
je me met des puces ?
J’aurais pas dû shooter mon poste tridéo.
Je l’ai laissé s’échapper. Il pourrait être n’importe
où, et tout est ma faute.
28 Octobre 2056 Fétide est mort. J’ai dû le tuer. Je
ne voulais pas. Il a beaucoup crié au début. Ca été
dur de le retenir… Mais je n’avais pas le choix. Il n’y avait pas d’autre
façon de tuer le type du Stuffer Schack.
Bordel, j’aurais jamais dû bousiller ma tridéo
avec Fétide dans la pièce. Comme ça il aurait jamais
pu aller en lui. Ce chat va me manquer. Stupide petit sac à puces
à la con.
29 Octobre 2056 Il est toujours vivant. Il a quitté Fétide
d’une façon ou d’une autre. Il est dans ma tête, dans mes
rêves. Mes cauchemars.
J’ai rêvé que j’étais dans un
endroit sombre, plein de vent qui sentait comme le sang, cette odeur de
cuivre que vous pouvez presque goûter. Il était là,
lui aussi. Il y avait ce petit enfant étendu sur un gros bloc de
pierre, et le type du Stuffer Shack se tenait au dessus de lui avec un
couteau ensanglanté. Il a tué l’enfant. Et il continuait
à rire.
Je sais ce que je dois faire. Je dois le trouver
dans le monde réel et l’arrêter. Je dois le tuer avant qu’il
ne tue tous les enfants et qu’il ne dévore leurs âmes.
30 Octobre 2056 Il est partout. Tout le monde dans le métro
lui ressemblait. Il essaie de me troubler… fait en sorte que tout le monde
lui ressemble pour que je ne sache pas quel est le vrai lui et que je ne
puisse pas le tuer.
Il pense qu’il m’a piégé. Je vais
lui montrer le contraire.
Je vais lui montrer.
>>>>>(Eh – est-ce que le massacre de la Renraku Arcology
n’a pas eu lieu le 1er novembre, juste quelques jours après
cette dernière inscription ?)<<<<<
--- Newshound (13 :25 :46 / 23/01/57)
>>>>>(Ouais. KSAF était sur place – ils ont
couvert toute l’histoire dans les moindres détails gore. Bien que
pour leur défense, ils ont essayé de trouver la signification
de cette tragédie ; ont essayé de découvrir ce qui
est arrivé à ce Lenny pour qu’il en arrive à tirer
autant de balles alors qu’il savait qu’il ne s’en sortirait pas vivant.)<<<<<
--- Fritz le Rat (14 :23 :12 / 23-01-57)
>>>>>(Et s’il ne l’était pas ? Ce type qu’il
n’arrête pas de voir… Et s’il existait vraiment ? Peut-être
que c’est un esprit libre qui déteste les gens.)<<<<<
--- Inchworm (14 :45 :31 / 23-01-57)
>>>>>(Ou quelque chose de pire. Qui peut savoir la
véritable profondeur du mal que l’Eveil a forgé ?)<<<<<
--- Ordo Veritas (15 :01 :34 / 23-01-57)
>>>>>(Conneries. La magie n’est que la magie, et
il n’y a pas de " mal cosmique " là-dedans. Ce mec est simplement
devenu fou, c’est tout. Il a fait une fixation sur un pauvre type au hasard,
puis s’est convaincu tout seul que le type était le croque-mitaine.
Il n’y a aucun croque-mitaine.)<<<<<
--- Boxer (15 :15 :15 / 23-01-57)
>>>>>(Es-tu sûr de ça ? Vérifie
le nombre d’incidents qui sont semblables au massacre de l’Arcologie et
qui ont eu lieu dans les derniers mois. Les chiffres augmentent, mon pote.
Beaucoup.)<<<<<
--- Newshound (15 :24 :36 / 23-01-57)
>>>>>(Le croque-mitaine existe, bien sûr. Nous
l’avons créé. Il vit et est à l’aise partout dans
le métroplexe.)<<<<<
--- Reality Czech (20 :23 :12 / 23-01-57)